Avec ses opéras en un acte
Mörder, Hoffnung der Frauen (
Meurtrier, espoir des femmes)
, Das Nusch-Nuschi et
Sancta Susanna, Paul Hindemith présenta sur la scène au public du début des années 20 des pièces expérimentales qui firent scandale. Le festival de Grafenegg propose le 8 juillet deux de ces opéras. La direction musicale de ces deux œuvres lyriques d'une demi-heure chacune,
Mörder, Hoffnung der Frauen et
Sancta Susanna, est confiée au chef d'orchestre Leon Botstein.Werner Hanakl est responsable aussi bien de la mise en scène que des costumes et du décor.
La création de la toute première œuvre scénique de Hindemith
Mörder, Hoffnung der Frauen et, dans le même programme, de
Das Nusch-Nuschi, le 4 juin 1921 à l'Opéra de Stuttgart, agita les esprits : les témoignages firent état d'une grande incompréhension, d'irritation et de protestation autant que d'enthousiasme et de louange dithyrambique. Le livret expressionniste d'Oskar Kokoschka, adapté de son drame de 1907, est rempli de représentations de pulsions sexuelles sauvages comme d'un combat sans merci entre les sexes. Seulement neuf mois plus tard, Hindemith alla encore plus loin avec
Sancta Susanna, en présentant d'une manière provocante chez la Sœur Susanna le caractère de ses désirs sensuels indissociablement attachés à son obéissance religieuse.
Paul Hindemith – Mörder, Hoffnung der Frauen: le combat des sexes
L'argument de l'opéra
Mörder, Hoffnung der Frauen, n'a ni lieu, ni époque. Une troupe de guerriers attaque, contre leur volonté mais conformément aux ordres, une citadelle tenue par des femmes. Même le chef des hommes se bat contre la meneuse des femmes et , grièvement blessé, est fait prisonnier, cependant que ses guerriers prennent leur plaisir avec les autres femmes. La meneuse est remplie d'un désir violent et se rapproche du prisonnier, mais son contact rend des forces à l'homme, qui finit par la vaincre et se libère. D'un geste, le chef des hommes tue son homologue féminin, mais également toutes les autres sont par lui abattues "comme des mouches".
C'est le contexte expressionniste de l'œuvre qui doit avoir fortement rencontré le public de l'époque tout autant que ne l'a fait le sujet provocateur de Kokoschka. Cette pièce en un acte est dépourvue de logique dans les actions scéniques, les conflits paraissent confus. Aucun personnage ne porte de nom, toute forme d'identification est évitée. L'œuvre montre des gestiques agitées et des processus comportementaux schématiques en lieu et place de discours organisé. Le conflit est symbolisé par Hindemith au moyen de la référence au conflit musical du mouvement de sonate, et le compositeur fait appel aux formes les plus variées de la tradition musicale. Près de 100 ans plus tard, cette méthode de travail semble rapprocher l'œuvre de la post-modernité contemporaine. Et c'est ainsi d'ailleurs qu'un critique, lors de la création, avouait avoir bien du mal à se retrouver, dans les classifications stylistiques de
Mörder, Hoffnung der Frauen, avec les concepts d' "ultramoderne", de "sens le plus moderne du terme", ou de "nouveau, actuel".
Parmi les défenseurs acharnés des tendances ultramodernes figure également Paul Hindemith, un encore jeune musicien de Francfort, qui a commencé sa carrière artistique en tant que brillant violoniste, mais pour se tourner ensuite, au cours des dernières années, vers la composition, domaine où il peut s'enorgueillir de quelques succès remarquables. Il s'est également illustré en tant que compositeur d'opéras, en s'évertuant ici à donner à tout son travail le caractère de la plus grande modernité et, sans faire la moindre concession ni à la tradition ni au public, à réaliser sa conception du drame musical nouveau, actuel. – Dr. Hugo Leichtentritt (critique de la création dans la revue "Die deutsche Opernbühne" – "La scène lyrique allemande" – printemps 1921)
Ce sont également deux pièces de Paul Hindemith que l'orchestre fédéral des jeunes emporte dans ses bagages pour sa tournée d'été en Allemagne, au Tyrol du Sud et en Roumanie : du 20 juillet au 4 août, cet orchestre est accueilli avec la "Symphonie Mathis der Maler" et les "Métamorphoses symphoniques" à Dortmund, Dobbiaco, Bolzano, Dresde, Bucarest, Sinaia et Berlin.
photo: © Theater Bonn / Thilo Beu